vendredi 18 avril 2008

Miam miam

Emeutes de la faim : attention aux faux procès ! (les échos du 18-4)
D'après la Banque Mondiale, les cours du blé ont grimpé de 120 % en 2007. Plus généralement, entre 2005 et 2007, les prix des biens alimentaires ont augmenté de 83 %, selon la même source.
Il n'en faut pas davantage pour que les passions se déchaînent et que soient dénoncés les vils spéculateurs, forcément occidentaux, qui s'enrichissent sur le dos des plus démunis. Pourtant, la réalité des faits ne justifie pas un tel procès. Souvent considérés comme le principal responsable de la crise alimentaire mondiale, les Etats-Unis, grand pays producteur et exportateur de blé, de maïs et de riz, continuent d'accroître le volume d'exportation de ces trois céréales essentielles à l'alimentation de la planète. En 2007-2008, les Etats-Unis vont commercialiser hors de leurs frontières 35,5 millions de tonnes de blé, soit 42 % de plus qu'en 2006-2007, 3,5 millions de tonnes de riz, en hausse de 17 % sur la récolte précédente, et 63 millions de tonnes de maïs, en augmentation de 16 %. D'une année sur l'autre, la production mondiale de ces trois céréales continue de progresser: + 2,3 % pour le blé à 606,7 millions de tonnes, +1,1 % pour le riz à 425,3 millions de tonnes et +9,5 % pour le maïs à 772,5 millions de tonnes. En face, la consommation intérieure totale mondiale du blé devrait rester stable en 2007-2008, à 617 millions de tonnes, celle du riz ne devrait enregistrer qu'une petite hausse de 1 % à 425,3 millions de tonnes. Quant au maïs, on s'attend à une augmentation de 7,5 %, à 772,2 millions de tonnes. Production et consommation globales étant donc en quasi équilibre, autant dire que les révoltes actuelles contre la nourriture chère ne proviennent pas d'une insuffisance générale des denrées de première nécessité. Elles ne s'expliquent pas plus par un quelconque machiavélisme du pays le plus riche au monde, qui n'hésiterait pas à affamer les plus faibles pour des raisons politiques ou économiques inavouables... Les marchés financiers des grains ne sont pas davantage responsables de l'envolée des cours, les échanges internationaux de ces marchandises se font exclusivement par voie contractuelle entre deux parties, le plus souvent entre négociants internationaux et Etats.
Loin d'être homogène dans ses effets et de représenter encore un véritable fléau mondial, la crise alimentaire est cependant bien réelle dans certains pays qui ont prêté peu d'attention à leur évolution démographique. L'urbanisation accélérée et la désertification des campagnes dans plusieurs pays émergents, afin de développer les industries manufacturières plus rentables, ont probablement été la cause première de ces tensions. Plusieurs régimes ont déjà pallié l'urgence alimentaire en adoptant la pire des mesures dès lors qu'elle serait appelée à s'éterniser : la limitation du commerce extérieur. C'est ainsi que le 4ème producteur mondial de riz, le Vietnam, a réduit ses exportations d'au moins 20 %. Son exemple a été suivi par l'Egypte, l'Inde, la Thaïlande et la Chine, premier producteur mondial de cette céréale. Le nationalisme économique des pays émergents constitue sans doute une des toutes premières causes de la crise alimentaire actuelle.